La réforme des retraites a été repoussée au 10 janvier prochain, un temps additionnel qui ne sert ni les parties en présence, ni l’enjeu.
Il s’agit en effet d’une réforme sans vrai fondement mais avec une vraie casse sociale en perspective. En voici les raisons.
Une réforme sans vrai fondement…
Les éléments de langage sont connus.
« Le système est déséquilibré. »
« L’enjeu de cette réforme, c’est de sauver notre système par répartition. »
« Un trou (immense) de 12 milliards d’euros. »
Pourtant, ils sont cette fois-ci particulièrement difficiles à tenir car difficilement soutenus par les services du gouvernement eux-mêmes.
Oui, c’est vrai, le Conseil d’Orientation des Retraites (COR, rattaché directement au Premier ministre) évoque, dans un scénario moyen, un déficit de 12 milliards d’euros en 2027. Déficit qui persisterait quelques années… mais qui finirait par se résorber avec le temps. Déficit qui, par ailleurs, doit être lu en ayant le budget des retraites en tête, de l’ordre de 320 milliards d’euros.
Un déficit à 3,7% qui se résorberait de lui-même dans le temps : de quoi servir de modèle à l’État !
…mais avec une vraie casse sociale
En France, en 2022, on commence sa carrière en moyenne à 22 ans et 5 mois, selon l’INSEE. La retraite à taux plein ne s’atteint donc pas à 62 ans, comme la notion d’âge légal le suggèrerait, mais à 22 ans et 5 mois additionnés de 43 annuités, en supposant que tout un chacun puisse connaître une carrière linéaire sans période d’inactivité aucune. Une chimère.
Aujourd’hui, l’âge réel de départ à la retraite s’établit déjà en moyenne à plus de 63 ans. Pour sauvegarder un montant de retraite acceptable, les salariés préfèrent partir plus tard. Et les effets des réformes précédentes ne se sont pas encore faits sentir complètement.
Pourquoi donc passer l’âge légal à 65 ans quand on constate que la durée d’activité augmente déjà naturellement ?
Tous les salariés brisés par la pénibilité de leur emploi, dont l’espérance de vie dépasse à peine les 70 ans, subiront une décote d’autant plus forte que ce seuil recule. Non seulement ils ne profiteront pas de leur retraite plus d’une dizaine d’années mais, en plus, ils seront mis dans une situation encore plus précaire qu’aujourd’hui, réduisant d’autant leurs qualité et espérance de vie à long terme.
Un texte gouvernemental pour masquer les échecs de la majorité
Pourquoi réformer à tout prix si tous les chiffres s’obstinent et que le bon sens résiste ?
Le gouvernement a deux motivations pour réformer les retraites.
La première est purement politique. Décaler l’âge légal de départ en retraite à 65 ans, c’était la seule mesure saillante que le candidat aujourd’hui à l’Élysée défendait lors de la présidentielle de 2022. Son gouvernement clive le pays pour se donner les apparences qu’il gouverne. Pourtant, gouverner, ce n’est pas monter les uns contre les autres, brutalement. Gouverner, c’est donner une direction au pays, avec des réformes qui montrent la voie à suivre pour le bien commun.
La seconde est budgétaire. Après le « quoi qu’il en coûte », pour rassurer les syndicats patronaux, Emmanuel Macron est revenu à ses fondamentaux idéologiques : baisse des impôts sur les sociétés et baisse des impôts de production. Tout cela dans un contexte budgétaire tendu alourdi de très nombreuses mesures de soutien aux entreprises depuis 2020. Rien que la suppression de la Cotisation sur la Valeur Ajoutée des Entreprises (CVAE) passée avec la loi de finances grève le budget de l'État de près de 7 milliards d’euros. Une « politique de l’offre » brute directement réclamée par Bercy au détriment du sort des salariés, une politique finalement brutale.
Pas un jour, pas un mois, pas un de plus.
Face à une réforme si faiblement justifiée et si fortement destructrice, des voix s’élèvent jusque dans la majorité.
En décalant son annonce du 15 décembre au 10 janvier, le gouvernement s’achète du temps pour faire rentrer tout le monde dans le rang et espère faire porter sur les opposants à sa réforme injuste la responsabilité d’éventuels blocages. Nous savons tous que le pourrissement s’effectue au détriment de ceux qui le provoquent.
En attendant, toujours rien sur la pénibilité, l’emploi des seniors ou la garantie d’une retraite en bonne santé.
À l’UNSA, face à cette réforme des retraites, nous disons : pas un jour, pas un mois, pas un an de plus.
Ouvrons les chantiers qui permettront de consolider notre système par répartition et de prolonger la vie en bonne santé, physique comme financière, de nos « seniors ».